Donatella Caprioglio,
psychanalyste italienne, vivant et travaillant entre la France et l'Italie,
où elle a créé les Porta Verde, maisons d'accueil mère/bébé (à l'image de la Maison Verte, une idée de Françoise Dolto),
et supervisant deux fois par an l'équipe accueillante du Lieu accueil Enfants Parents de Belle-île-en-Mer,
nous présente son livre Au coeur des maisons (Fayard, 2012)
" Je suis toujours à la recherche d'une maison.
Mes énergies et mes rêves se sont déployés dans différents lieux où j'ai bâti des décors presque parfaits. Malgré cela, je continue de scruter avidement les vitrines des agences immobilières, toujours à l'affût du lieu idéal. Si je suis dans un train, j'imagine une vie à l'intérieur des maisons qui défilent sous mes yeux, dressant une table ou lisant un livre sous une pergola, que je fabrique à l'instant si elle n'existe pas. Tout à fait comme si cet espace inconnu n'attendait que moi et qu'en cet instant fugitif j'avais la liberté de tracer une histoire qui me plairait davantage en rejoignant un sentiment enfin proche de la plénitude. "
Première page de Au coeur des maisons
Rien de plus universel et de plus personnel que le thème de la maison. Donatella Caprioglio l'explore à partir de sa propre expérience et de celle de personnes qu'elle a rencontrées.
Il ne s'agit pas seulement de reprendre l'histoire des lieux habités par chacun, tout au long d'une vie, mais d'inviter à une déambulation dans l'intime et le sensible, part essentielle et souvent cachée de nos vies, révélée ici dans le lien qui nous unit aux maisons.
Article de Mélina Gazsi sur Au coeur des maisons, paru dans l'édition du Monde du 18/07/2012 (Le livre du jour) :
"Promenade entre quatre murs...
Quand vous aurez lu le livre de Donatella Caprioglio, vous n'ouvrirez ni ne fermerez plus la porte de votre maison de la même façon. Pas plus que vous ne l'habiterez comme avant. Et il est à parier que toutes les maisons que vous avez eues dans votre vie, à commencer par celle qui vous a vu naître, celles qui ont accompagné vos rêves de jeunesse ou encore vos vacances jusqu'à celles que vous avez construites, et toutes les autres, quittées, fuies ou abandonnées, referont surface dans votre mémoire. Et, avec elles, une partie de votre être le plus intime, le plus intériorisé.
Une maison, cela n'a pourtant l'air de rien, n'est-ce pas, semble dire la psychanalyste italienne comme pour mieux vous faire réagir? Évidemment, elle, qui organise des séminaires pour les professionnels de la petite enfance à Bobigny et a créé en 1993 des lieux d'accueil pour les parents et les enfants - les Porta Verde d'abord, dans la région de Venise, puis au Vietnam, les Toits bleus dans les écoles maternelles et, récemment, les Cafés des parents en Italie -, sait bien que rien n'est plus révélateur qu'une maison.
Son livre-enquête, qu'elle consacre donc aux maisons, est, l'on s'en doute, à l'opposé des manuels et magazines d'architecture intérieure qui font florès et nous invitent à bâtir des décors presque parfaits comme des promesses répétées de plénitude.
La promenade intime de Donatella Caprioglio à travers nos demeures, qu'elles soient comme ceci ou comme cela, vides ou pleines, parfaites ou jamais achevées, tendres ou indifférentes, froides ou chaleureuses, nous entraîne en réalité vers les profondeurs des fondations de notre "intérieur".
N'y a-t-il pas, en effet, un rapport évident entre la construction d'une maison et celle d'une identité, questionne-t-elle ? Ne faut-il pas, là aussi, que le terrain soit solide, la situation propice ? La maison n'est-elle pas une notion archaïque ? Ne voit-on pas souvent les enfants se mettre sous une table, une chaise, un bureau et en faire pour un moment ou plusieurs heures leur refuge ? Pour la psychanalyste se profile déjà là le désir de sécurité, la quête de "sa" maison.
Mais "il existe autant de maisons que de manières différentes d'habiter l'espace", prévient-elle dans les premières lignes de son ouvrage. Son travail d'introspection, enrichi de nombreux témoignages, tente de nous éclairer sur notre manière de nous installer dans nos murs, sur l'identité des personnes qui les ont imaginés ou construits et les relations qu'entretiennent celles qui y vivent.
Comme si l'espace où nous habitons concentrait dans son foyer le premier regard symbolique de nos parents. "Ce regard détermine souvent les maisons futures de chacun d'entre nous et révèle pour certains un vrai malaise "habitatif", si le premier accueil a manqué de bienveillance, explique la psychanalyste. Certaines personnes réalisent toute leur vie des maisons qu'ils n'habiteront jamais ou si peu, ou des maisons dans lesquelles malgré tout ils ne se sentiront jamais bien." Comme si se rejouaient à chaque fois le vide et la rage générée par le manque initial. "Quand j'ai fini de planter le dernier clou dans le mur, j'ai envie de m'en aller et de chercher une autre maison à remettre en état", confie Adreana à l'auteure.
La maison comme un eldorado? L'une des manières d'habiter, parmi beaucoup d'autres explorées par Donatella Caprioglio. Car, fait rarissime, voire interdit dans le domaine psychanalytique, l'auteure part de sa propre expérience pour aller à l'universel. De toute évidence, si l'exercice est difficile, le résultat est là : un livre doux, tendre et enrichissant."
Mélina Gazsi (Le livre du jour)
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