Le prix Liber & Co est un prix de lecteurs. Il suffit de lire les oeuvres proposées par le Cercle de lecteurs de l'année et de choisir (même si on n'a pas assister aux différentes soirées) celle que l'on veut distinguer. Ce prix met en lumière l'ouvrage d'un écrivain d'aujourd'hui, son écriture, son univers et le plaisir de sa lecture.
Cette deuxième édition a vu trois finalistes parmi les neuf titres retenus: Un turbulent silence d' André Brink, Le siècle des nuages de Philippe Forest et Chez nous de Marilynne Robinson. Le vote qui suivit le repas de la soirée spéciale du Cercle de lecteurs (navarin d'agneau de l'île, tarte aux pommes à la Proust le tout accompagné d'un Anjou Villages "Croix de mission" Lebreton) a couronné le lauréat.
Le prix Liber & Co 2010 a été attribué à Philippe Forest pour son roman Le siècle des nuages paru chez Gallimard en août 2010.
Les lecteurs ont été particulièrement sensibles à l'élégance et à la force du style de ce roman, à la profondeur de son univers et à l'humanité qui s'en dégage. Philippe Forest dit l'histoire d'une vie, celle de Jean Forest, ce père passionné d'aviation et l'histoire d'un siècle, le vingtième, mêlant les deux au gré de son récit.
Livres proposés pour le Prix Liber & Co 2010 :
- Chez nous, de Marilynne Robinson
- Yanvalou pour Charlie, de Lyonel Trouillot
- Pays sans chapeau, de Danny Laferrière
- L'horizon, de Patrick Modiano
- Le cerveau de Kennedy, de Henning Mankell
- Un jour avant le bonheur d'Erri de Luca
- Un turbulent silence, d'André Brink
- Le siècle des nuages, de Philippe Forest
- La chambre de Mariana, d'Aharon Appelfeld.
Le siècle des nuages, de Philippe Forest:
Après la lecture du dernier roman de Philippe Forest, Le siècle des nuages, au titre emprunté à la poésie d’Apollinaire, on ne prendra plus l’avion de la même façon. On pensera à tous ceux qui, par leur audace, ont vécu au-dessus des nuages, aux pionniers de l’aéropostale et à ceux qui ont prolongé l’expérience jusqu’à nos jours. Dans le ciel du vingtième siècle, ils ont participé, célèbres ou anonymes, à ce que l’auteur nomme «la plus grande des utopies». Philippe Forest évoque les uns, Mermoz, Saint-Exupéry, et les autres, en particulier son propre père qui, terminant sa carrière de commandant de bord à Air France en 1981, regrettera de n’avoir jamais piloté le Concorde.
Philippe Forest raconte la vie de son père, ce qu’il en sait comme fils et ce qu’il en imagine comme écrivain. Témoin filial, il dessine une figure paternelle immergée dans l’Histoire de son siècle, un vécu au jour le jour dans l’incertitude où naissent les destins. Ainsi le 17 juin 1940, jour d’exode sur les routes bombardées de France, sera aussi celui de la rencontre improbable et fondatrice de ses futurs parents fuyant Mâcon et l’invasion allemande. Devenu romancier pour retenir par l’écriture la trace de sa fille trop tôt disparue, notamment dans l’émouvant Sarinagara, Forest interroge ici l’un de ses thèmes de prédilection, l’impermanence, en revenant sur toutes ces années vécues par son père. « Il n’avait rien à regretter de sa vie, je crois. C’était autre chose. Au fond, il n’en revenait pas. Que tout soit allé si vite et se trouve désormais accompli…»1
Mise en scène du temps qui passe, recherche du temps perdu, dans un style ample qui épouse le mouvement de la pensée et explore l’intime et l’universel, Le siècle des nuages est ce qui reste d’une vie et d’un siècle quand un romancier s’en empare, « cette pauvre petite chose de papier usé qu’on nomme un roman ».2
Bénédicte Pianelli Liber
1 Prologue, page 13
2 Epilogue, page 556
|